En fonction des résultats des prochaines élections législatives, nous pouvons envisager raisonnablement qu’au moins une loi de finances soit votée au cours du second semestre 2024, ce sera alors une loi de finances rectificative. Quel en serait l’impact sur les revenus perçus en 2024 avant la loi (notamment au cours du premier semestre 2024) ?
Même si en matière de droit privé (droit civil, droit pénal…), une loi ne peut pas être rétroactive, cette règle ne s’applique pas en matière de droit fiscal, notamment pour l’impôt sur les revenus et l’impôt sur les sociétés. Ainsi, les lois fiscales votées et promulguées peuvent s’appliquer aux revenus et aux résultats de l’année en cours : c’est ce qu’on appelle la « petite rétroactivité ». Par exemple, une loi votée en août de l’année 2024, pourra s’appliquer aux revenus perçus depuis le 1er janvier de l’année 2024.
En matière d’impôt sur le revenu (IR) et sur les bénéfices (BIC, BA, BNC), la législation applicable est, sauf dispositions contraires de la loi, celle en vigueur au 31 décembre de l’année au titre de laquelle l’impôt est établi (soit l’année du fait générateur de l’impôt). Ainsi, il n’est pas possible de connaitre précisément avant le 31 décembre 2024 les modalités d’imposition des revenus perçus en 2024, et cela quelle que soit la catégorie de revenus (plus-values mobilières, dividendes, traitements et salaires, revenus fonciers, etc.).
Les plus-values immobilières des particuliers suivent une règle différente. En effet, la plus-value immobilière des particuliers est déclarée et l’impôt est acquitté lors de la cession de l’immeuble. Ainsi, la législation applicable sera celle en vigueur au jour de la cession. Toutefois, il est possible qu’un changement de fiscalité puisse impacter indirectement la plus-value immobilière des particuliers en 2024 : il s’agit des règles relatives à la Contribution Exceptionnelle sur les Hauts Revenus (CEHR). Pour rappel, les plus-values immobilières nettes sont intégrées au calcul de la base de la CEHR (taxe applicable de 3 ou 4% à partir d’un revenu fiscal de référence de 250 000 € pour un personne seule et 500 000 € pour un couple).
Concernant le report d’imposition, la fiscalité applicable est celle du 31 décembre de l’année de l’apport des titres. Ainsi, un apport en milieux d’année ne permet pas de figer les règles applicables au jour de l’apport, mais seulement celles applicables en fin d’année. L’impôt mis en report est alors théoriquement figé en cas de changement les années suivantes. Il convient de rappeler que le sursis d’imposition est une opération intercalaire, ainsi la fiscalité de l’imposition en sursis n’est pas figée. La fiscalité applicable sera celle en vigueur au 31 décembre de l’année de la fin du sursis d’imposition.
En matière d’impôt sur les sociétés (IS), la législation applicable est celle en vigueur au jour de la clôture d’exercice. Celle-ci peut provenir de différents événements (clôture normale de l’exercice, dissolution, cessation d’activité, le passage de l’IS à l’IR de l’entreprise…). Une société soumise à l’IS dont l’exercice fiscal se termine le 30 juin 2024 ne sera donc pas concernée par une loi de finance rectificative du second semestre 2024. Cependant, son exercice clôturé au 30 juin 2025 le sera bien entendu.
En matière d’Impôt sur la Fortune Immobilière, le fait générateur de l’impôt est le 1er janvier de l’année. Ainsi, la législation applicable est celle en vigueur au 1er janvier. Par exemple, pour l’IFI 2024, la législation applicable est celle en vigueur au 1er janvier 2024 soit celle issue de la loi de finances pour 2024 promulguée fin 2023. En cas de loi rectificative, cela ne modifie pas les modalités de calcul et d’imposition de l’IFI dû l’année en question. Toutefois, il est important de noter que la loi de finances rectificative de 2012 avait mis en place une contribution exceptionnelle sur la fortune pour 2012 après le paiement de l’ISF. Ainsi, la création d’un impôt supplémentaire avait permis, au global, d’augmenter l’ISF dû en 2012. Une manœuvre similaire ne serait pas impossible en ce qui concerne l’IFI. Il s’agirait alors d’un nouvel impôt et non de modifier l’IFI.
En matière de droits de mutation à titre gratuit (donation, succession) cette « petite rétroactivité » ne s’applique pas. En effet, la législation applicable est celle qui est en vigueur au jour du fait générateur de l’impôt. Or, le fait générateur est :
- au jour de la rédaction de l’acte de donation ou du don manuel dûment déclaré (en principe, ces jours concordent) ;
- au jour de la révélation du don manuel si ce dernier n’avait pas été déclaré.
Ainsi, en cas de don manuel, il est recommandé de déclarer au jour du don afin de maîtriser la fiscalité qui sera applicable.
En matière d’impôts locaux, la législation applicable est celle en vigueur au 1er janvier de l’année d’imposition, quelle que soit la date de mise en recouvrement de l’impôt.